Les familles d’accords : accords et substitutions
Dans la gamme majeure, les accords peuvent être regroupés dans trois familles sur un critère harmonique. Ces familles d’accords sont importantes, car elles simplifient les substitutions d’accords dans le cadre d’une ré-harmonisation d’une pièce, l’ajout de notes de couleur sur les accords sans sonner faux, etc.
Quelles sont ces trois familles ? Comment sont-elles définies ? Comment s’en servir ? C’est ici que ça se passe !
Qu’est-ce qu’une famille d’accords ?
Parmi les sept accords de la gamme majeure, certains semblent très proches, sonnent un peu pareil. D’autres, en revanche, sont vraiment différents.
Nous définissons 3 familles d’accords :
- la famille des accords de tonique
- la famille des accords de sous-dominante
- la famille des accords de dominante
Les sept accords de la gamme majeure se répartissent dans ces trois familles, chaque accord ne faisant partie que d’ »une seule famille.
Sur quelles bases définir ces familles d’accords ?
C’est sur une base purement harmonique, la consonance ou la dissonance plus ou moins forte, que se basera le critère de sélection.
Ainsi, un accord qui sonne bien, sans tension, comme l’accord de tonique, sera dans la famille des accords de tonique.
En revanche, un accord avec une légère tension, due à la présence de la quarte (qui vient déstabiliser la tonique) sera la famille de sous-dominante (c’est l’autre nom de la quarte).
Et enfin, un accord avec une vraie tension, comme la présence du triton, entre la quarte et la sensible, sera la famille des accords de dominante.
La famille des accords de tonique
La caractéristique des accords de la famille de tonique, c’est qu’ils ne possèdent pas la quarte de la gamme (ou sous-dominante). Ces accords ne présentent alors aucune tension, et sont très stables.
Regardons le cycle des tierces et identifions ces accords :
Dans la gamme majeure, les accords de 4 sons qui ne contiennent pas la note F sont :
- A-7 : A C E G
- CM7 : C E G B
- E-7 : E G B D
Dès qu’on passe sur le G ou le F, la quarte est présente, et on ne peut alors pas avoir d’accord de tonique.
De façon plus générale, dans la gamme majeure, les accords de la famille de tonique sont les accords I, II et VI. En C, comme dans l’exemple précédent, ces accords sont le CM7, le E-7 et la A-7.
En D, ce sont les accords :
- I : DM7
- III : F#-7
- VI : B-7
On remarque que ces 3 accords se suivent dans le cycle des tierces : A a pour tierce C qui a pour tierce E.
Ces accords sont là pour indiquer la tonalité, pour poser la sonorité. Ils serviront donc souvent à commencer ou terminer une grille ou une section dans un morceau.
La famille des accords de sous-dominante
Les accords de la famille des sous-dominantes sont caractérisés par la présence de la quarte, F dans le cas de la gamme de C majeure, mais pas la septième, la note B, qui, avec F forme l’intervalle nommé triton. Les accords de sous-dominante n’ont pas ce triton, mais ont la quarte de la gamme.
Aidons-nous de nouveau du cycle des tierces pour les accords de sous-dominante : les accords doivent contenir la quarte, le F, mais pas la sensible, le B (c’est la famille de dominante sinon) :
Les accords contenant F, mais pas B ne sont que deux :
- FM7 : F A C E
- D-7 : D F A C
Cette famille ne contient que 2 accords : le II-7 et le IVM7.
Avec la quarte, le F ici, qui vient déstabiliser la tonique, les accords de la famille de sous-dominante apportent une légère modulation, mais ne demande pas de résolution.
La famille des accords de dominante
Les accords restants sont ceux de la famille de dominante, et possèdent tous le triton F-B :
- G7 : G B D F
- B-7♭5 : B D F A
Contrairement aux deux autres familles, la famille des accords de dominante, avec le triton, demande une résolution sur un accord de la famille de tonique (souvent une quinte plus bas)
La présence d’un accord de cette famille précède généralement un accord de la famille de tonique, et à ce titre, ils sont souvent utilisés pour les changements de tonalité puisqu’ils demandent une résolution sur un accord de tonique.
Récapitulatif
On a 3 familles d’accords interchangeables :
- famille des accords de tonique : IM7, III-7 et VI-7, pour placer la tonalité
- famille des accords de sous-dominante : II-7 et IVM7, pour apporter une modulation
- famille des accords de dominante : V7 et VII-7♭5 pour forcer une résolution sur un accord de tonique
Exemples d’application
Pour voir comment se servir du concept de familles d’accord, nous allons prendre une suite d’accords plus que standard :
Quelle gamme s’applique à cette suite d’accords ?
En examinant les accords, on remarque que 3 accords majeurs sont présents : C, F et G. Comme les accords majeurs sont sur les degrés I, IV et V, on voit que la gamme est C (voir la page « comment déterminer la gamme d’une suite d’accords »).
Comme la gamme est celle de C, on en déduit les familles :
- tonique : C, E- et A-
- sous-dominante : D- et F
- dominante : G et Bdim
Premières substitutions
Transformons le C en A-, la suite devient :
On obtient une sorte de balancier de la basse entre G et F, en passant par A à chaque fois.
Et si on transformait le F en D- ? on obtient :
Le D- a une bonne tendance à appeler un mouvement
Changement de tonalité
Les accords de la famille de dominante servent à résoudre sur un accord de tonique. Par exemple, G7 résout sur un CM7. Donc, dans un passage en D majeur par exemple, E-7 / A7 / DM7, si on fait suivre par un G7, et donc un CM7, on a changé de tonalité ; on est passé de D majeur à C majeur, grâce à l’accord de dominante de la gamme majeure de C.
Cette technique est extrêmement utilisée en jazz où les changements de tonalité sont fréquents.
Quelques restrictions
Tout cela reste valable dans la mesure où l’accord qui est ajouté ne vient pas contrarier la mélodie. En effet, comme chaque accord possède des notes à éviter, si la substitution d’accord nous amène à mettre un accord pour lequel la note de mélodie ne colle pas, ça va être difficile.
Quelques exemples à éviter
Toujours pour la grille précédente, C / G / A- / F. Si vous transformez le C en E-, il faut faire attention à ce que la note de la mélodie à ce moment-là n’est ni C ni F.
En effet, si la note de mélodie est la note C, l’accord de E- ne sonnera pas bien, car la note C va venir frotter la quinte de E-, la note B, située à un demi-ton de C.
De la même manière, si la note de mélodie est la note F, elle va venir frotter la tonique de l’accord de E et provoquer une tension pas forcément souhaitable.
Pour aller plus loin
La détermination de la gamme d’une suite d’accord est importante avant de substituer des accords.
De même, la connaissance des notes caractéristiques de chaque type d’accords vous permettra de savoir comment un accord peut être substitué sans contrarier la mélodie.
Toute la section sur les substitutions tritoniques de l’accord de dominante montre comment ouvrir encore plus grand les portes de la ré-harmonisation et des possibilités d’adaptation d’une œuvre.
En prenant en compte les substitutions dans chacune des familles (3 pour la famille de tonique, 2 pour les sous-dominantes et 2 pour les dominantes) et la substitution tritonique pour la famille de dominante (2 possibilités sur chacun des 2 accords), on arrive, pour une même grille de départ à :
- Premier accord : famille de tonique ⇒ 3 possibilités
- deuxième accord : famille de dominante : 2 accords avec 2 substitutions tritoniques ⇒ 4 possibilités
- troisième accord : famille de tonique ⇒ 3 possibilités
- dernier accord : famille de sous-dominante ⇒ 2 possibilités
Ceci nous donne un total de 3 * 4 * 3 * 2 = 72 grilles harmoniquement semblables, toutes interchangeables. Ça peut faire tourner la tête, mais ça ouvre énormément de portes en termes harmoniques et options de composition.
Je dédierai une page pour le lister et les faire entendre et voir comment aller au-delà.
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