Analyse de morceaux 4.1 : « So What » de Miles DAVISvo
Miles DAVIS a eu une influence considérable dans le monde de la musique et le jazz en particulier. Avec son album « kind of blue », dont est tiré le morceau « So What », c’est une ambiance et un climat particulier qui ont déferlé sur le monde et apporté un souffle nouveau dans un style, le jazz, qui n’en manque pas.
Ce morceau a pour particularité d’être un morceau modal. Qu’est-ce que c’est ? C’est un morceau ou le nombre d’accords est extrêmement limité puisqu’il n’en a que 2. En fait, un seul, qui monte d’un demi-ton puis revient.
Vous imaginez donc bien que les analyses de la fonction des accords ici n’a pas lieu d’être. Il n’y a pas de cadence, pas d’enchaînement caractéristique, juste un accord et une variation.
Première écoute
Comme d’habitude, avant d’entrer dans le vif du sujet, commençons par écouter pour se mettre dans l’ambiance :
On sent l’atmosphère qui se dégage de ce morceau. Une sorte de calme avec une énergie contenue, prête à jaillir à n’importe quel moment.
Une autre version, plus axée acid-jazz, un peu plus rapide, est celle de Ronny JORDAN :
Dans cette version, le thème est joué à la guitare et non plus à la basse. Cette version est intéressante, car elle ajoute une sorte de thème secondaire.
La grille
La voici pour bien se rendre compte du nombre d’accords :
La forme de ce morceau est un AABA, c’est-à-dire qu’il y a 2 parties de 8 mesures chacune, A et B, qui s’enchaînent comme ceci :
- 2 fois la partie A
- une fois la partie B
- une fois la partie A
Attention, comme la grille est jouée en boucle, on peut avoir l’impression qu’il y a 3 A qui se suivent. C’est vrai, mais le dernier est en fait le premier de la grille.
Partie A
Cette partie ne contient qu’un seul accord : le D- pour 8 mesures.
Il est approché sur toutes les mesures impaires par l’accord de même type, mais placé un ton plus haut : E-.
Quel est le rôle de cet accord ? Cet accord de E- est composé des notes : E, G et B. Ces notes, par rapport à la basse qui est, sur le premier temps, un D, sont les notes d’extension de ce D. En effet :
- E est la 9°
- G est la 11°
- B et la 13° juste
Ces 3 notes ne sont pas dans l’accord de D-, et marquent une tension avec la basse D qui a sonné en début de mesure. Le choix de jouer cet accord un ton plus marque la couleur dorienne de l’accord de D-.
En effet, pour jouer dorien sur un accord mineur, il faut faire sonner la sixte majeure. En D, la sixte est la note B. Et cette note est la quinte de l’accord de E. Jouer E- avant D- fait donc sonner l’accord principal sur le mode dorien.
Jouer deux accords mineurs à un ton d’intervalle, en passant du plus aigu au plus grave, est une cadence habituelle pour faire sonner le mode dorien, et reste terriblement efficace.
Partie B
Identique à la précédente, elle est jouée un demi-ton plus haut pour apporter une variation au morceau. Cette partie est donc jouée en Eb-, et est en tout point identique à la partie A. On est de ce fait-là aussi sur le mode dorien, mais de Eb- cette fois.
Conclusion
Le jazz modal est particulier. On a tendance à dire qu’en jazz, il y a des dizaines voir des centaines d’accords. En modal, on tourne sur un seul accord, avec éventuellement une variation, comme ici, d’un demi-ton.
Ce genre est donc radicalement différent de ce qui est habituellement vu en jazz :
- pas de cadence V→I, ni II→V→I
- Pas d’accord fonctionnel qui donne un sens aux mouvements
- pas de changement de tonalité, outre la variation
- un seul accord
Ce genre de morceau sera donc traité autrement qu’un morceau de jazz standard dans lequel on cherche les accords de dominante, les enchaînements V-I…
Pour aller plus loin
Voilà pour la grille. Pour continuer, voyons le thème qui finalement est joué par la basse, puis comment improviser sur ce style de morceau.
On entre ici dans le monde de la musique modale.
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